Séminaire "Construction des idéologies"

Le séminaire régulier de recherche "Construction des idéologies" est co-organisé par les laboratoires IDEA (Université de Lorraine) et CREA (Université Paris-Nanterre).

 

Derniers événements associés:

2025

12 février 2025 - "Idéologie et rhétorique"

Séminaire de 15h30-17h

« La liberté politique chez William Wordsworth et William Blake entre fiction poétique et praxis oratoire, à la lumière de la nouvelle rhétorique britannique et des théories des Idéologues sur le langage »

Dans le sillage de Locke et de Condillac, l’Idéologie de Destutt de Tracy promeut une théorie du langage qui entre en résonance avec les mutations imposées à la rhétorique classique en Grande-Bretagne par les nouveaux rhétoriciens. Adossés à l’empirisme de Hume, Adam Smith, George Campbell, Joseph Priestley réduisent l’inventio (recherche des arguments) à la gestion du discours au profit d’une valorisation onto-épistémique de l’elocutio (le style propre de l’homme). Ils affaiblissent en profondeur l’èthos qu’Aristote situait chez l’orateur, au mieux ils le diffractent au fil du discours. A l’heure de l’engagement des poètes anglais dans les événements révolutionnaires, l’accent se porte sur une aesthésis du style où le privilège idéel que Locke attribue au mot —malgré sa signification toujours perfectible— le dispute à la conduite parfois manipulatoire de la temporalité syntaxique. Chez Wordsworth et Blake, la notion philosophique de liberté politique ne sert pas la seule fiction du poème. Le Wordsworth de la maturité devenu ‘Tory’, toujours épris de liberté et oublieux des diatribes que jeune républicain il lançait contre Burke, imprime à son emploi de la période oratoire dans The Prelude (1805-1850) un travail d’intériorisation de la mémoire/memoria (cinquième office de la rhétorique). Dans les réminiscences du séjour en Franee de 1791-92, une écriture « idéologique » transmue le classicisme rhétorique mêlé de fascination pour le pouvoir des mots auquel le Burke ‘old Whig’ des Reflections on the Revolution in France (1790) recourt afin de défendre sa perception conservatrice de la liberté. Contempteur de Hume et des philosophes français du XVIIIe, Wordsworth était sensible à l’intérêt de Coleridge pour la linguistique de Humboldt, qui avait rencontré Laromiguière et dont le concept d’enargeia est redevable à celui d’activité du langage chez les Idéologues. Blake tenait Locke en piètre estime. Toutefois, son farouche radicalisme politique autant que poétique s’hypostasie dans une vision imaginative de l’énergie supérieure du mot. Il élève des termes prégnants tel ‘liberty’ au rang d’allégorie pure (The French Revolution, 1791 ; ‘A Song of Liberty’, 1792 ; Jerusalem, 1804-1820 ; The Four Zoas, 1797, inachevé), capable de révéler par l’action inspirée du langage une espèce d’idéologie absolue. Pareille opération pourrait s’interpréter comme une version idéalisante de la persuasion que Paine, faisant appel au sens commun fondé sur la raison collective, met en œuvre dans Rights of Man (1791) lorsqu’il use du vocable de liberté. Les plaidoyers de Wordsworth et de Blake en faveur de la liberté politique revitalisent l’èthos du côté du poète-orateur et de la langue poétique. Ils attestent ainsi de la lutte qui se joue au tournant du siècle entre discursivité idéologique naissante et promesse d’éthique à l’horizon d’une rhétorique transvaluée par l’esthétique.

Catherine Bois | Université Paris Nanterre - CREA

 

“The legitimisation of liberalist politics: The example of the Liberal Democrats”

The seminar paper will discuss legitimisation as a discursive strategy in linguistics for obtaining, maintaining or definding authority over a given people or polity. Firstly, by focusing on key theories in social science and linguistics, it outlines the link between legitimacy as a concept of political science on the one hand, and legitimisation as the linguistic manifestation of legitimacy on the other hand. Secondly, the paper applies the key theories of legitimisation to the case study of the Liberal Democrats in the United Kingdom by focusing on a corpus of over 98,000 words compiled by Butler (2018) using a selection of clips from the online platform YouTube. Examples are given to show how the Liberal Democrats legitimise their own identity. Thirdly, the paper discusses how the Liberal Democrats are able to demarcate their ideological principles in relation to other political parties and may rely on de-legitimising strategies to achieve this discursive strategy. Finally, an overview will argue that an interdisciplinary approach to ideological construction needs to take into account both the tenets of political science and the foundations of linguistics.

Robert Butler | Université de Lorraine - IDEA

2024

11 octobre 2024 - "Multiculturalisme et humanisme républicain libéral"

Séminaire de 15h30 à 17h

  « Multiculturalisme et humanisme libéral républicain » 

Elaborée en Amérique de Nord à partir de la fin des années 1960 et diffusée en Europe au cours des années 1990, l’idéologie multiculturaliste questionne les valeurs et les institutions républicaines sur leur capacité à mettre en œuvre les principes de l’universalisme libéral et démocratique dont elles se réclament, sans méconnaître ou nier la légitimité de la pluralité des « styles de vie » des populations qui caractérisent les sociétés modernes et contemporaines. Après avoir rappelé le contenu et les enjeux du débat, en comparant notamment les contextes français et nord-américain, nous proposerons une voie alternative à l’opposition frontale entre l’idéal républicain universaliste et le communautarisme séparatiste.

Jean-Pierre Sylvestre | Université de Bourgogne

 

 

20 septembre 2024 - "Nationalisme, culture, histoire: le cas de la frange celtique"

Séminaire de 15h30 à 17h

 « Pays de Galles et identité nationale : d’un nationalisme culturel à un nationalisme civique et politique » 

L’objectif de ce séminaire est d’étudier les piliers de l’identité galloise, essentiellement la langue et la religion, défendus au XIXe siècle par les Gallois et promus par les fondateurs du premier mouvement nationaliste au pays de Galles, Cymru Fydd, repris ensuite par le parti nationaliste Plaid Cymru près 1925. Si ce parti, à l’origine, souhaitait essentiellement défendre
la langue et la culture galloises, donc un nationalisme plutôt ethnique, il se transforme en véritable parti politique après la Seconde Guerre mondiale sous l’impulsion de Gwynfor Evans,
président de 1945 à 1981. Seulement, malgré quelques succès électoraux à partir de 1966, il ne parvient pas à s’imposer sur la scène politique galloise, dominée depuis les années 1920 par le Parti travailliste. Ce dernier remporte toutes les élections au pays de Galles, quelles qu’elles soient, depuis 1922. La mise en place en 1998 par le gouvernement de Tony Blair de
l’Assemblée, devenue depuis Parlement, a donné une plus grande visibilité à Plaid Cymru, et permis de développer une nouvelle identité nationale plus civique qu’ethnique. En effet, ce sont les institutions galloises, nouveau lieu de pouvoir, qui représentent aujourd’hui un des piliers de l’identité nationale, notamment par le vote de textes de lois spécifiques et l’adoption d’une nouvelle définition de l’identité plus inclusive. Malgré l’évolution du parti nationaliste, c’est bien le Welsh Labour qui dirige le pays de Galles depuis 25 ans, ce qui conduit à se demander qui détient la parole nationaliste aujourd’hui, et à proposer une nouvelle classification du nationalisme au pays de Galles, entre nationalisme-indépendantisme, tel que défendu par Plaid, et nationalisme-unionisme, proposé par le Parti travailliste.

Stéphanie Bory | Université Jean Moulin Lyon 3 - IETT 

 

 « Les nationalismes irlandais : histoire et historiographie » 

Centrée en grande partie sur l’âge d’or pendant lequel se sont manifestées les différentes formes de nationalisme irlandais, à savoir la période entre le vote de l’Union anglo-irlandaise (1800) et l’avènement de l’État Libre d’Irlande à la suite de la guerre d’indépendance de 1919-1921, cette présentation cherchera à aborder tout un ensemble de questions, dont l’exploration permettra de mieux cerner que le nationalisme irlandais, en tant qu’idéologie et discours prônant l’émancipation (politique, culturelle et économique) des Irlandais, s’est développé et s’est décliné de façon très diverse et plurielle. Les questions que l’on tentera d’aborder seront les suivantes :
-y a-t-il un ou plusieurs nationalismes irlandais ? De quelle nature ? Prônant quels objectifs et quelles stratégies ?
- à quand remontent ces nationalismes irlandais ? Y-a-t-il un événement fondateur expliquant leur émergence et si oui, lequel ?
- Y eut-il des formes de nationalisme et l’idée d’une nation en Irlande avant 1800 ? La nation irlandaise a-t-elle des racines anciennes ?
- nationalisme et Union/nationalisme et unionisme sont-ils forcément opposés ?
- Quels rapports ces nationalismes eurent-ils à l’empire et à l’impérialisme britanniques ?
- Les nationalisme irlandais sont-ils restreints à l’île d’Irlande ? Peut-on les situer et surtout les circonscrire géographiquement ?
- Quels liens établir entre nationalisme, religion, classe et genre dans le cas de l’Irlande ?
- Sur quelle lecture de l’histoire de l’Irlande les nationalismes irlandais reposent-ils ? Et comment l’histoire de ces nationalismes irlandais a-t-elle été abordée par la communauté des historiens, depuis l’indépendance et jusqu’à aujourd’hui ?

Pauline Collombier | Université de Lorraine, IDEA 

 

 

 

12 avril 2024 - "Le pouvoir de la musique : interprétation, récupération, propagande"

Séminaire de 17h à 18h30

« Oratorio, allégorie et idéologie : le cas de Saul de Haendel »

Une oeuvre d'art peut-elle être porteuse d'un message idéologique ? Afin de tenter de répondre à cette question, notre communication se penchera sur un ouvrage emblématique du compositeur né en Allemagne Georg Friedrich Haendel, l'oratorio Saul créé à Londres en 1739. Inspiré d'un épisode biblique bien connu, l'ouvrage met en scène la succession de Saül, roi des Israélites, par le jeune David, jeune berger de la tribu de Juda. Dans ce qui peut être lu comme une représentation allégorique de l'accession au trône d'Angleterre de la dynastie hanovrienne, en tout cas de la fin de la dynastie des Stuart, nous examinerons les contextes politiques d'un ouvrage que certains ont également interprété comme un pamphlet pro-jacobite, quelques années avant la rébellion de 1745. Nous proposerons de cet ouvrage, qui peut également se lire à plusieurs égards comme une célébration inconditionnelle du pouvoir de la musique, une autre lecture allégorique qui ferait du genre musical de l'oratorio une forme autotélique chantant et célébrant ses propres outils de fonctionnement. Notre démonstration vise ainsi à prouver la validité de la célèbre formule du théoricien canadien Marschall McLuhan « the medium is the message » selon laquelle la forme même de l'oratorio anglais, genre musical créé par Haendel en réaction ou comme suite à celui de l'opéra italien, contiendrait en creux sa propre idéologie.

Pierre Degott | Université de Lorraine - IDEA

 

" A comparative approach to three examples of missionary work in 17th- and 18th- century Massachusetts "

'I Wish I Was in Dixieland,' a sang most commonly known as 'Dixie,' has been presented as the musical equivalent of the Confederate flag. Originally attributed to Daniel Decatur Emmett, a white minstrel who performed it in blackface, it was played at the inauguration of the first and only president of the Confederacy, Jefferson Davis, in 1861, after it became popular bath in the North and the South of the United States in 1860. Since then, its association with the antebellum South and white supremacist ideology has been reinforced by its use in popular culture, to the point that it has been included in debates about the fall of Confederate Statues and was presented by NPR in 2018 as the US's "most divisive sang." Yet these debates ignore the versatility of the sang, a commercial tune turned folk whose meaning has been reclaimed over time. Judith and Howard Sacks's Way Up North in Dixie has complexified the debate by providing a counternarrative of its origins which recast its association with white supremacy. In their book, the Sacks make the case for attributing the melody to a black family, the Snowdens, who were neighbors with Emmett and taught him the tune. For this reason, the tune elicits today widely different reactions from the folk community: some black artists, like Renee Marie and the Carolina Chocolate Drops, have performed it to lay claims to folk and country music, while others have advocated its erasure from folk repertoires. This presentation will trace the political and racial career of 'Dixie' as an illustration of how sangs can become ideological battlegrounds. I will focus on the porosity of music categories such as popular and folk, and show how musical meaning is always in flux. In so doing, I will expose the tensions between the mythical pursuit of authenticity and the practical dynamics of bricolage in popular music.

Elsa Grassy | Université de Strasbourg - SEARCH

 

 

15 mars 2024 - "De la religion à l'idéologie : mission, politique et identité (17è/19è siècles)"

Séminaire de 17h à 18h30

" A comparative approach to three examples of missionary work in 17th- and 18th- century Massachusetts "

Missionary work was conducted in the Massachusetts area during the 17th and 18th centuries. Among the figures who were active at that time, John Eliot (1604-1690) became a prominent representative of such undertakings, just like the Mayhew family in Martha's Vineyard, or John Sergeant (1710-1749) with the Housatonics. They published texts which reveal their conception of Native Americans from a religious and social perpsective, as those missionaries tried to convert as many individuals as possible while insisting on the importance of education and linguistic transmission. Their accounts - the Eliot Tracts (1643-1671), Experience Mayhew's Indian Converts; or, Sorne Account of the Lives and Dying Speeches of a Considerable Number of the Christianized Indians of Martha's Vineyard (1727), as well as excerpts from journals and letters - will be used to analyse the methods and arguments used by the missionaries, and assess the impact they had on the Native Americans they were in contact with.

Nicolas Bourgès | Université Paris-Nanterre - CREA

 

« Former des citoyens éclairés: rivalités idéologiques autour de la Bible à l'école en Haïti et en Irlande au tournant du XVIIIe siècle »

À première vue, Haïti et l'Irlande ont peu de points communs, si ce n'est d'être des îles de l'espace transatlantique avec une longue histoire de résistance contre les puissances coloniales et de lutte pour leur émancipation à l'ère des révolutions. D'une part, bien qu'à Haïti l'insurrection des esclaves ait abouti à l'indépendance, la nouvelle nation se divise entre la république de Pétion et la monarchie de Henri Christophe. Chaque état fait face au défi de définir son identité et son modèle politique, pour lequel l'éducation des citoyens se révèle cruciale. D'autre part, après l'échec de la révolution irlandaise en 1798 et le maintien des dernières lois pénales à l'égard des catholiques, les demandes d'émancipation s'accentuent en Irlande. Elles s'accompagnent de nouvelles préoccupations à l'égard de l'éducation des Irlandais, ce d'autant plus que le nationalisme se catholicise. Par une approche comparée entre le Royaume d'Haïti et l'Irlande, nous verrons comment la question de la Bible à l'école cristallise les rivalités politiques et religieuses entre nations et empires.

Karina Wendling | Université de Lorraine - IDEA

 

 

19 janvier 2024 - "Le Socialisme au dix-neuvième siècle, entre science et utopie"

Séminaire de 15h30 à 17h

« Une coopérative d'idées: Naissance, diffusion et contestations de l'owénisme (1820-1850) »

Au début des années 1820, Robert Owen (1771-1858) fédère le premier mouvement socialiste britannique autour d'une critique du capitalisme fondée sur la réorganisation de l'économie et de la société sur un mode coopératif. Loin de constituer un dogme, cette pensée est adaptée par les disciples d'Owen, qui en proposent une version souvent plus démocratique. À ce titre, le mouvement owéniste joue un rôle de laboratoire intellectuel pour la construction de la future gauche britannique: en son sein évoluent les futurs fondateurs du chartisme et du mouvement coopératif moderne, mais aussi les premières féministes radicales britanniques. L'étude des discours partagés et de leur diffusion permettra d'analyser la formation d'une communauté intellectuelle, mais aussi les divisions internes au mouvement, et l'impact de ces divergences idéologiques quant à la disparition de l'owénisme dans les années 1850.

Ophélie Siméon | Sorbonne Nouvelle - CREW

 

« Marx et le rejet des critiques normatives du capitalisme et des modèles normatifs du socialisme »

Cet exposé cherchera à esquisser les principaux enjeux du rejet par Marx des critiques normatives du capitalisme et des modèles normatifs du socialisme. Concernant les analyses du capitalisme, il s'agira de montrer que, pour Marx, les critiques normatives du capitalisme conduisent à des actions politiques prématurées et vouées à l'échec, comme celles menées lors de la révolution de 1848. Selon Marx, les critiques du capitalisme doivent être remplacées par une analyse scientifique ou positive du capitalisme, qui doit s'efforcer de découvrir les moments les plus opportuns pour l'action politique. C'est pourquoi, au lieu de proposer des critiques du capitalisme, une analyse positive du capitalisme doit se consacrer à la découverte des causes qui conduisent aux grandes crises du capitalisme. En ce qui concerne la formulation des modèles socialistes, Marx rejette les modèles normatifs du socialisme et essaie de les remplacer par une analyse scientifique de l'évolution des structures économiques. Il s'agira de montrer que le modèle hégélien suivi par Marx l'amène à se concentrer sur la découverte scientifique des germes ou embryons du socialisme qui existent déjà au sein du capitalisme. Marx soutient que la découverte de ces embryons permet d'orienter l'action politique et d'accélérer la transformation du capitalisme en socialisme sur la base de ces germes.

Sina Badiei | Université de Lausanne - Centre Walras-Pareto

 

2023

15 décembre 2023 - "Aspects de la Diplomatie et de la Politique Culturelles Américaines"

Séminaire de 15h30 à 17h

« La cité sur la colline : aux origines de l'exceptionnalisme américain »

Empruntée au pasteur John Winthrop, la métaphore de la « cité sur la colline » irrigue abondamment la rhétorique exceptionnaliste américaine. Forgée en 1630 dans un sermon adressé à un groupe de Puritains s'apprêtant à quitter l'Angleterre pour fonder Boston, son ubiquité dans le discours politique n'en demeure pas moins relativement récente. Avant les années 1960, nul candidat à la Maison-Blanche ne songe à invoquer ce texte inspiré de l'Évangile de Matthieu. Longtemps oublié, le thème de la « cité sur la colline » réapparaît au milieu du XXe siècle dans les travaux de Perry Miller, professeur d'études américaines à Harvard, pour lequel il constitue à la fois l'acte de naissance de la nation américaine et la première manifestation de son caractère exceptionnel. Si la plupart des États sont le fruit de contingences géographiques, de guerres ou d'annexions, l'Amérique, estime-t-il, est née d'une volonté et d'une mission clairement articulées : être un modèle et une lumière pour l'humanité tout entière. Depuis lors, la« cité sur la colline » occupe une place de choix dans l'imaginaire politique aux États-Unis. De John F. Kennedy à Barack Obama, tous les présidents américains l'ont invoquée pour professer leur adhésion à la notion d' exceptionnalisme américain.

Frédéric Heurtebize | Université Paris-Nanterre - CREA

 

« La politique culturelle américaine et l'idéologie du «monde libre» autour des bases militaires en France (1950-1967) »

Cette présentation s'intéresse aux contacts entre civils français et militaires américains sur et autour des bases militaires installées en France pendant la Guerre froide. Elle interroge la façon dont l'enclave militaire relaye la projection culturelle officielle par l'échange et le don tout en mobilisant la question de la sécurité collective, ciment du« monde libre». Dans les années 1950, le commandement militaire américain encourage le dialogue et la coopération avec les forces armées françaises afin d'assurer la stabilité de l'alliance atlantique. Il s'appuie aussi sur les services diplomatiques pour tisser des liens avec la communauté locale et faire naître un sentiment de compréhension mutuelle. Les opérations portes ouvertes, les rencontres sportives ou les spectacles dansants sont autant de moyens de mêler la projection d'une image positive des Etats-Unis avec la promesse d'un retour à la prospérité et d'une sécurité durable. Ensemble, civils et militaires donnent à voir une Amérique provinciale, authentique, mais surtout ancrée dans une action territorialisée visant à susciter l'admiration, l'estime, et à inspirer la sympathie envers le projet de société américain d'aprèsguerre. Ainsi déployée en obligations continues - et finalement réciproques -, la politique culturelle construit alors une idéologie du « monde libre » reposant sur la prédominance des questions de sécurité et de prospérité. À travers quelques exemples tirés d'archives publiques et de collections privées, nous verrons combien la diffusion de cette idéologie s'appuie sur des initiatives individuelles et des opérations informelles. Cette particularité, qui fait partie intégrante de la stratégie américaine de Guerre froide, suscite des questions quant aux contours idéologiques d'un « empire en pointillés » dans lequel s'inscrit le vaste réseau de bases militaires dans le monde.

François Doppler-Speranza | Université de Lorraine - IDEA

 

 

10 novembre 2023 - "From Individual Commitment to Political Ideology"

Conférence de 15h30 à 17h

" Can individuals have an ideology? "

The concept of 'ideology' is often treated as a collective phenomenon. Implicitly or explicitly, both social research and everyday thinking use 'ideology' to refer to the constellations and arrangements of ideas that we share with the various social groups we belong to. Whether as shared conventions, illusions, maps, policy preferences, or entire realities, ideologies rely on dynamics of alignment or agreement between us as individuals-dynamics these ideologies work to reinforce. Yet at the same time, ideologies also intimately shape how we individually think and behave as 'independent' social units. This paper asks how far we can use the concept of 'ideology' to understand our personal worldviews and lifestyles, and how we might apply the methods of ideology analysis at the individual rather than collective level. It examines the place of morphological analysis in capturing the core and peripheral elements that drive our thinking and behaviour, and how these aspects of 'individual ideologies' relate to the constitutive elements of 'larger' collective ideological traditions. It adds a comparative angle, exploring how our particular positions within the existing vertical, horizontal, geospatial, and intertemporal divisions in our societies influences the relationship between individual and collective ideologies. Finally, it argues that an individualised approach to ideology analysis opens up new avenues of enquiry for the history of social thought and social philosophy-capturing the worldviews of 'canonical' figures, but also analysing the underlying assumptions and commitments that guide all of our 'ordinary' thinking and behaviour.

Marius S. Ostrowski | European University Institute

 

" Mazzinian Influences on British Idealist Republicanism "

This article explores the relationships between the political thought of Giuseppe Mazzini and the British idealists. Section one introduces the field, before section two sketches a background for the analysis of Mazzini's influence on the British idealists, by surveying his influence on Benjamin J owett, Algernon Swinburne and others. Sections three and four compare Mazzini's with that of the foundational figure in British idealist social and political thought and practice, Thomas Hill Green. Section five reflects upon Mazzini's reception by Arnold Toynbee, John MacCunn and David George Ritchie. The argument concludes, in section six, that although, in 1881, Toynbee had reasonable grounds for characterizing Mazzini as "the true teacher of our age", this daim became increasingly unsustainable from the late 1880s onwards as evolutionary theory increasingly came to replace unorthodox forms of Christian faith as the basis of British and Italian political thought.

Colin Tyler | University of Hull

 

 

6 octobre 2023 - "Conservatismes et Populismes aux Etats-Unis et au Royaume-Uni"

Séminaire de 14h à 15h30

« La généalogie des Brexiters: essai de cartographie du factionnalisme conservateur »

L'émergence d'un groupe de députés conservateurs partisans d'un « hard Brexit » a fait ressurgir la question du poids des clivages conservateurs autour de l'enjeu européen. Chacune des quatre période clés de l'histoire des relations entre le Royaume-Uni et l'Europe (candidatures dans les années 1960, adhésion et référendum dans les années 1970, traité de Maastricht dans les années 1990 et Brexit dans les années 2010) présente une carte différente du pluralisme conservateur sur cette question complexe et par extension sur la question centrale de la place du Royaume-Uni dans le monde, mais on relève aussi de nombreuses similitudes entre les périodes et une certaine continuité. Cette présentation proposera ainsi des hypothèses sur la filiation des Brexiters, en passant en revue, dans un premier temps, la littérature scientifique sur le factionnalisme conservateur autour de l'enjeu européen. Les typologies existant depuis les années 1960 se rangent dans deux catégories : idéologiques (qui permettent d'identifier les positions des députés sur la base de leurs déclarations) et comportementales (qui témoignent d'un comportement de vote spécifique sur certains projets de loi, associé à une mobilisation structurée au sein de groupes identifiés). C'est cette double dimension qui permet, de mamere relativement continue, d'identifier l' euroscepticisme conservateur non pas comme une simple attitude envers l'Europe mais comme un comportement parlementaire visant à influencer, voire renverser le gouvernement relevant de leur propre parti. Sur la base de cette définition, il s'agira, dans un second temps, de suggérer des pistes de méthodologie pour une analyse généalogique et une nouvelle cartographie des factions eurosceptiques au sein du parti depuis le référendum de 2016.

Agnès Alexandre-Collier | Université de Bourgogne

 

" Apprehending the Conservative Ideology in contemporary United States through the example of the Tea Party movement "

The label "Conservative" in today's United States reflects an ongoing shift to the right of the political spectrum. How can the example of the Tea Party movement help us understand this progression? By revisiting the principles and ideologies that have inspired the Tea Party, over a chronological period starting from the Cold War, we can identify the core components of the American conservative right. From fiscal to social conservatism, from libertarianism to originalism, what do "principled", "doctrinaire," or "sensible" Conservatives defend and who are the Americans supporting them? How can we apprehend the expression of these core components in the radical wing of the Republican Party and in the larger "conservative" movement? This presentation will attempt to answer these questions, notably using the results of a field study conducted on the Tea Party, one of the most striking expressions of the contemporary conservative movement. We will see that a vibrant force has been operating at several levels to support the conservative ideology, explaining the ascension of Donald Trump in 2016, and stressing the stakes as the Republican Party is gearing toward the 2024 presidential election.

Agnès Trouillet | Université Paris-Nanterre

 

 

9 juin 2023 - "Le travaillisme britannique des années 1990 à nos jours : entre constantes et mutations"

Séminaire de 13h30 à 15h30

" Drivers and patterns of ideological change in the British Labour Party "

Since the 1990s, the Labour Party has undergone a number of massive swings in its ideological outlook. From the advent of the New Labour regime, through to the Miliband years, the Corbynism experiment and now the Starmer leadership, the party’s programme has displayed a striking pattern of rapid and profound changes. This presentation will investigate the extent to which successive leaderships have sought and managed to bring about paradigmatic policy changes, focussing on both the forms which these metamorphoses took and their causes, and taking into account the interaction between environment, frames of reference and forms of managerial control.

Emmanuelle Avril | Université Sorbonne Nouvelle

 

" Reimagining the State under Corbyn: Constructing a new ideological paradigm? "

The Labour Party is often considered to be ideologically wedded to the State which has long been regarded as a useful tool for realising social and economic reform. Yet, the Labour left has also been a long-standing critic of the institutional form of the British State and of the notion of parliamentary sovereignty. When Corbyn was elected to the leadership of the party in 2015, there was much discussion about how the Labour Party might radically reinvent the State in a more democratic direction and thus establish a new ideological paradigm. Moving beyond traditional liberal and socialist conceptions of the State, a new relationship between the State, the market and civil society was conceptualised. This paper discusses Labour’s stance on social, economic and political democracy since 2015 to determine whether Corbyn has left a significant ideological legacy that might still be drawn upon under the leadership of Keir Starmer.

Emma Bell | Université Savoie Mont-Blanc

 

 

31 mars 2023 - "Thinking and Achieving Freedom in Postcolonial Contexts"

Séminaire de 17h à 19h

" Indigenous Australians as ‘Ecological Agents’? Indigenous Epistemologies and Environmental Discourse "

This paper discusses the representation of Indigenous traditional knowledge in contemporary Australia, in particular the recurrent depiction of Indigenous Australians as “ecological agents”. Starting with a discussion of the complex interactions between environmental discourse and Indigenous knowledge in Australian history, this paper considers how formulations taken from environmental discourse legitimate Indigenous knowledge while failing to represent Aboriginal epistemologies in all their complexity.

Marilyne Brun | Université de Lorraine

 

" Odyssey to Freedom? The Making of Democratic South Africa's lauded Liberal Constitution "

After 1994, innumerable books celebrated Nelson Mandela's Long Walk to Freedom and South Africa's leadership of the human rights revolution. More recently, historians have taken a clearer-eyed view of the ANC's late conversion to the language of rights in the mid-1980s. This paper looks at three key rival groups of anti-apartheid lawyers who embraced rights-talk at this time. If a small coterie of liberal lawyers committed to Rawlsian ideas of social justice then took centre stage, in recent years other groupings have become more important. We will explore the key role played by exile lawyers, who, having once embraced the socialist dialectics of 'liberated law', reinvented themselves as proponents of 'participative justice' and 'positive freedoms' after the Berlin Wall fell. Even more important today, the legacies of the Black Lawyers Association, which worked closely with US African-American lawyers to press for 'third generation' questions about representation and recognition in a society where segregation and inequality remains deep.
Tim Gibbs | Université Paris-Nanterre

 

 

10 mars 2023 - "Autour de Mary Shelley"

Séminaire de 17h à 19h

" ‘The abolition of personal and domestic slavery’: Mary Shelley and Percy Shelley on Liberalism,
Women’s Freedom and Italian Culture "

Antonnella Braida-Laplace | Université de Lorraine - IDEA

 

« Autour de Mary Shelley »

Alain Morvan | Université Sorbonne Nouvelle

 

 

2022

7 décembre 2022 - "L'héritage romantique dans le socialisme de William Morris"

Séminaire de 17h à 19h

« L’héritage romantique dans le socialisme de William Morris (1834-1896) »

Artiste, socialiste, protecteur du patrimoine, promoteur de l’artisanat et de la réforme sociale par l’esthétique, mais aussi entrepreneur et poète visionnaire : William Morris a laissé derrière lui un héritage aussi foisonnant que varié. Hostile au libéralisme économique et à l’Etat, à l’industrialisme et à une croissance effrénée, cette figure marquante de la fin de l’ère victorienne cherche, tout au long de sa vie, à réconcilier le travail avec la nature, la justice sociale et la prospérité. Prenant appui sur son utopie News from Nowhere (1890), cette intervention tâchera de réévaluer la manière dont le romantisme auquel on rattache habituellement William Morris s’articule avec son engagement socialiste.

Stéphane Guy | Université de Lorraine - IDEA

 

 

14 octobre 2022 - "Negociating Sectarianism in Northern Ireland"

Séminaire de 17h à 19h

" The Right to Bear Arts "

In this short, illustrated talk, Belfast based writer and community arts facilitator Jan Carson will talk about her two decades of community arts engagement in Belfast. She will discuss the benefits and difficulties of using the arts as a means of bringing people together within a divided postconflict society and give practical examples of how the community arts sector has helped to heal and educate in the wake of the Good Friday Agreement.

Jan Carson | Auteure invitée dans le cadre du projet ARIEL

 

" Conflict-Transformation and the Arts in Northern Ireland "

Once marginalized and underfunded, community arts initiatives gradually enjoyed greater recognition from the mid-199os onwards as a couple of community arts projects addressing contentious issues proved highly successful. In the wake of the Good Friday Agreement, the setting-up of the Department of Culture, Arts and Leisure (DCAL) was evidence that policy-makers were keener to open up the arts and embrace creative approaches championing greater participation in the arts. In line with the recommendations made by peace-building practitioners, more money was allocated to participatory arts projects offering participants a safe space where they could tackle sensitive issues. This talk will look at a number of programmes and initiatives that have been developed in Northern Ireland over the past 15 years and explore how they sought to address the legacy of the past and help further constructive change.

Hélène Alfaro-Hamayon | Université Gustave Eiffel - LISAA

 

 

20 mai 2022 - "Idéologies et pragmatisme médicaux"

Séminaire de 13h30 à 15h30

« Naissance de l’idéologie médicale au XIXème siècle »

Cette intervention s’intéressera à la façon dont la médecine clinique, qui est née dans les années 1830 en Europe, a toutes les caractéristiques d’une idéologie, d’un système de pensée et de croyance qui mène rapidement à la naissance d’une profession organisée au service d’un discours construit. La médecine clinique n’est pas une science dure qui serait née hors sol : il sera plutôt question ici d’un pur produit de la philosophie qui sous-tend la révolution industrielle. Elle prône une conception radicalement mécanique de l’organisme – au diapason d’une société qui vit au rythme du mythe très victorien du progrès. Dès lors, les médecins s’organisent en tant que profession qui, pour imposer à une patientèle rétive une nouvelle vision du corps et de ses fonctionnements, va jusqu’à mettre en place une véritable propagande. Cette propagande va obliger le public à vivre et penser son anatomie d’une façon radicalement opposée à ce qui avait cours, et à lui retirer tout pouvoir sur son propre corps, lui ôtant même les mots qui lui servaient à décrire ses symptômes, désormais interdits de cité dans les lieux de soin. La profession mettra ainsi en place un métalangage hermétique pour le néophyte, l’excluant du discours sur ses propres maux, tout en lui interdisant d’utiliser les métaphores éculées, menant à ce que la sociologie appellera « la disparition du patient au XIXème siècle ». Les médecins s’imposent alors dans l’imaginaire collectif comme des sauveurs, assujettissant l’art pour le mettre au service de leur discours, et se voient accorder la place des philosophes et prêtres d’autrefois pour trancher en tous problèmes – moraux, philosophiques, artistiques, historiques – devenant ce que certains à la fin du siècle appelleront « le Nouveau Clergé ».

Delphine Cadwallader | Sorbonne Université

 

« La mise en place du no restraint dans les asiles victoriens: simple pragmatisme médical ou construction d'une idéologie militante? »

Lorsque le Dr John Conolly milite pour l'introduction de l'abandon des moyens de contention mécanique (no restraint) dans le traitement des patients de l'asile pour aliénés indigents de Hanwell en 1839, il fait figure de pionnier et rencontre de nombreuses résistances. Il parvient pourtant à transformer cette pratique en orthodoxie psychiatrique, en appliquant ces méthodes innovantes à une échelle jusqu'alors inédite. Ce qui est présenté par Conolly comme une mesure de bon sens, fondée sur des considérations humanistes et sur une forme de pragmatisme médical, s'appuie cependant sur des convictions plus profondes et plus politiques quant à l'émancipation des classes populaires, qui rejoignent des courants très actifs dans les années 1840, tels le Chartisme et les mouvements d'éducation populaire, d'inspiration owéniste. Est-ce à dire que les aliénistes britanniques des années 1850 s'inscrivent plus ou moins consciemment dans une forme d'idéologie militante, lorsqu'ils copient le modèle de Hanwell ? Ou bien sont-ils simplement et uniquement soucieux d'une amélioration de la qualité de vie et des soins accordés à leurs patients ? C'est sur cette question de la portée idéologique des pratiques thérapeutiques dans les asiles victoriens que cette intervention se propose d'apporter quelques éclaircissements.

Laurence Dubois | Université Paris-Nanterre - CREA

 

 

8 avril 2022 - "La représentation des personnages historiques"

Séminaire de 13h30 à 15h30

« Les personnages historiques des romans de John Minter Morgan (1782-1854) au service d’une idéologie coopérative »

Le début du XIXe siècle est marqué par l’émergence de l’économie libérale classique. Les ouvriers, encore sensibles aux messages des radicaux jacobins, se sentent victimes de ce système qui exalte la concurrence et entretient leur pauvreté au nom de la loi d’airain des salaires. Les premiers socialistes, souvent disciples du philanthrope Robert Owen, s’emploient à tenter de démontrer les incohérences et les injustices du système économique qui s’impose graduellement, et parmi eux, John Minter Morgan, ami personnel d’Owen quoiqu’Anglican pratiquant, s’attache à écrire des projets d’organisation de la société et des romans destinés aux ouvriers alphabétisés afin de leur donner les armes intellectuelles qui leur permettraient de se défendre. Dans deux romans didactiques, Morgan promeut son idéologie au travers de personnages historiques ou de leurs avatars, personnalités connues des cercles radicaux, et qui lui permettent de rendre la pensée coopérative accessible et incarnée. Dans The Revolt of the Bees, Morgan fait intervenir des avatars de l’économiste classique John Ramsay McCulloch et du réformateur Robert Owen (dans la première partie), puis de Saadi, grand sage d’Orient, dans la seconde partie. Dans Hampden, évidemment, le réformateur du XVIIe siècle tient un rôle important, tout comme des penseurs contemporains de Morgan (Th. Malthus, l’évêque de Londres W. Howley), ou encore des figures archétypales comme Vela, un « indien » d’Amérique du Sud qui rappelle l’influence du mythe du « bon sauvage ». Je m’attacherai à montrer comment ces personnages sont mis en scène au service de la construction de l’idéologique coopérativiste (socialiste/owéniste) de John Minter Morgan.

Alexandra Sippel | Université de Toulouse-Jean Jaurès - CAS

 

« ‘Vox Populi, a Bully that Must be Put Down’: Images de la Reform League par Matt Morgan pour The Tomahawk (1867 – 1870) »

Publié chaque semaine entre 1867 et 1870, The Tomahawk a accompagné les débats parlementaires sur l’élargissement du suffrage en Grande-Bretagne. Fondé par Arthur William à Beckett et dirigé conjointement avec Matthew ‘ Matt’ Somerville Morgan, scénographe et dessinateur de presse, le Saturday Journal of Satire a connu un succès notable, atteignant au cours de la première année de son existence un tirage hebdomadaire de 50,000 exemplaires. A l’heure où la citoyenneté britannique se voit redéfinie en termes d’appartenance culturelle, générant un discours d’exclusion à l’encontre de certains groupes sociaux, les images publiées dans The Tomahawk apportent une contribution active au débat, traçant littéralement les contours du corps politique et attirant visuellement l’attention des contemporains sur le risque d’une ‘ tyrannie de la majorité.’ Dans le sillage des travaux de Laurel Brake, Aled Jones et Lionel Madden qui, dès 1990, réfutent l’idée d’une imagemiroir, cette communication s’attachera à analyser l’image de Matt Morgan pour The Tomahawk en tant qu’espace de production et de mise en scène de l’altérité politique et sociale. Avec Peter Sinnema qui, dans Dynamics of the Pictured Page (1998), souligne la nécessité d’une reconnaissance de la presse illustrée ‘non plus en tant que trace, mais en tant que discours’, elle s’interrogera sur les positionnements idéologiques véhiculés par une sélection de représentations de la Reform League et de son président, Edmond Beales, et sur l’impact de ceux-ci dans la redéfinition du concept de citoyenneté britannique avant, pendant, et après l’adoption du Reform Act de 1867.

Françoise Baillet | Université de Caen-Normandie - ERIBIA

 

 

3 février 2022 - "Utilitarisme au Royaume-Uni et en France"

Séminaire de 17h à 19h

« Madame de Staël et l’utilitarisme, une rencontre manquée ? »

Madame de Staël découvre les idées du philosophe anglais Jeremy Bentham à Genève au cours des années 1790 par l’intermédiaire d’Etienne Dumont. Immédiatement intéressée par les promesses d’une pensée qui se donne pour but de réformer la morale et la législation pour le plus grand bonheur du plus grand nombre, elle entreprend un dialogue avec les idées de Bentham telles qu’elles sont présentées par Dumont à partir de 1795. Elle adopte vite une attitude très critique vis-à-vis des principes matérialistes de l’utilitarisme. Son opposition à la « triste utilité » qui place l’intérêt personnel au centre se renforce dans les années 1810 et s’exprime avec véhémence lors de son séjour londonien en 1813, point de départ d’une série d’attaques qui seront développées par les romantiques en France et en Angleterre pendant les décennies suivantes. Pourtant, la confrontation avec les écrits de Bentham est fructueuse à plusieurs titres : Mme de Staël n’a jamais cessé de lire Bentham et y trouve à la fin de sa vie des pistes pour revivifier la démocratie parlementaire. Cette présentation éclaire ainsi les racines d’un débat structurant dans l’histoire des idées européennes au début du XIXe siècle.

Emmanuelle de Champs | CY Cergy Paris Université

 

« L’utilitarisme au regard de la bêtise humaine : le cas de Bouvard et Pécuchet »

Si « l’utilitaire » apparaît très tôt dans ses propos dénonciateurs de la société, c’est uniquement dans Bouvard et Pécuchet (les manuscrits, principalement) que Flaubert évoque des noms plus ou moins proches de l’utilitarisme (Bentham, John Stuart Mill, Spencer). Cet ouvrage, bien que posthume et inachevé, est le fruit de son projet d’écriture d’une encyclopédie de la bêtise humaine constituant « une vaste raillerie sur la vanité de ses contemporains » (Flaubert à Sand, 1872). Malgré la consultation d’une littérature conséquente (quelques 1500 ouvrages) pour réaliser son dernier roman qu’il a médité durant la moitié de sa vie, Flaubert dit au fond peu de chose sur les utilitaristes : sa fiction est informée par la philosophie, mais il n’est pas philosophe et ne semble pas conscient de l’existence de l’utilitarisme en tant que doctrine éthique (Bianchini et Mathieu, 2021). L’utilitarisme n’aurait-elle alors rien à apprendre de Bouvard et Pécuchet ? Pas nécessairement, car la bêtise, polysémique et multiforme, peut être instructive : de l’aveu même de Flaubert, n’est-elle pas « formidable et universelle » (Flaubert à Sand, 1871) ? C’est l’hypothèse de laquelle partira cette présentation, qui tentera de répondre à la question de savoir si la bêtise humaine, telle qu’elle apparaît dans Bouvard et Pécuchet, peut révéler quelque chose digne d’intérêt sur l’utilitarisme, tant dans sa dimension analytique que dans ses limites. Il s’agira donc plus de relire l’utilitarisme au prisme de Bouvard et Pécuchet que de comprendre ce que dit Flaubert sur les utilitaristes.

Victor Bianchini | Université de Paris I

 

 

28 janvier 2022 - "Révolutions et idéologies"

Séminaire de 17h à 19h

« Penser le(s) commun(s) au temps des Guerres civiles anglaises  »

Cette intervention s'intéressera à trois «sectes» radicales qui virent le jour en Angleterre à la fin des années 1640, période caractérisée par l'effondrement des hiérarchies liées à la monarchie absolutiste Stuart. Les « Levellers », les « Diggers » et les « Ranters » proposèrent un modèle politique, économique et/ ou social alternatif, pensant les relations sociales à nouveaux frais. S'appuyant sur leurs écrits, cette présentation mettra en évidence ce qui était commun à ces trois groupes et ce en quoi ils se distinguaient. Elle étudiera en particulier la façon dont les membres de ces trois sectes envisageaient le(s) commun(s), qu'il s'agisse du rapport à la terre et, plus largement, à la propriété, ou du rapport au suffrage et, plus largement, aux structures politiques. Elle montrera comment les thèses défendues par les « Levellers », les « Diggers » et les « Ranters » relativement aux biens communs constituèrent un creuset fécond qui connut une longue postérité. La construction d'une idéologie républicaine anglaise au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles.

Laurent Curelly | Université Paris-Nanterre - ILLE

 

« La construction d'une idéologie républicaine anglaise au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles?  »

Le libre-penseur John Toland (1670-1722) appartient à une génération qui n'a connu ni les guerres civiles, ni l'expérience républicaine anglaise de l'Interrègne. Au tournant des XVIIe et XVIIIe siècles, il accomplit une oeuvre éditoriale considérable en publiant les oeuvres de théoriciens de la Première Révolution anglaise (Sidney, Ludlow, Milton, Harrington). Une dizaine d'années après la Glorieuse Révolution ce corpus est rassemblé pour dénoncer l'ingérence de la Couronne dans les débats parlementaires, par le biais, notamment du système de pensions. L'entreprise éditoriale est financée par Robert Harley, leader de la faction Old Whigs au Parlement. Le rapprochement de ces penseurs au sein d'un même corpus, était-il artificiel ou révélateur, au-delà de leur mobilisation pour une cause politique immédiate, de convergences de vue plus profondes ? Dans quelle mesure y a-t-il eu fabrication d'une idéologie républicaine et altération de la portée de ces textes (Worden 2013) ? Cette communication a pour but d'interroger la catégorie de "républicain" mobilisée par l'historien américain Zera S. Pink pour désigner les penseurs de la Première Révolution anglaise dans son ouvrage The Classical Republicans. Essay in the recovery of a pattern of thought (1945) reprise à maintes reprises (Pettit, 1997, Skinner et Van Gelderen, 2002, Velema 2007) et sans cesse remise en jeu (Skinner 2008, Hammersley 2019). La diffusion importante de leurs oeuvres, en Grande-Bretagne et sur le continent tout au long du xvm• siècle et sous la Révolution française, nous invite à saisir des thèmes récurrents, des lignes de continuité entre ces penseurs et ce qu'il convient d'appeler une tradition républicaine à l'époque moderne.

Myriam-Isabelle Ducrocq | Université Paris-Nanterre